La sortie du film Walesa, l'homme de l'espoir (Walesa, czlowiek z nadziei, 2013) est l'occasion de nouveaux débats sur la place et la signification qu'occupe l'électricien des chantiers navals de Gdansk dans l'histoire de la Pologne. Après l'homme de marbre (czlowiek z marmuru 1977) et l'homme de fer (czlowiek z zelaza, 1981), le réalisateur Andrzej Wajda clôt une trilogie sur les dérives du régime communiste et la rampante contestation qui conduira à la chute du mur de Berlin.
Lech Walesa est aujourd'hui sans doute le syndicaliste le plus connu de l'histoire contemporaine, une figure internationale de la lutte contre l'oppression et pour les droits de l'Homme, lauréat du prix Nobel de la paix en 1983.
Cependant, tout le monde ne partage pas la même admiration dans son propre pays. Pour les Polonais, son passage à la présidence de la République évoque une période de chaos généralisé, la grande transition vers une économie de marché avec beaucoup de laissés pour compte et des batailles politiques incessantes (lors des premières élections, une multitude de partis avec plus de 6 000 candidats aux deux Chambres!). De plus, nombreux sont ceux qui le soupçonnent d'avoir activement collaboré avec les services secrets. Ce sujet est abordé par l'une des premières scènes, lorsque Walesa accepte de signer un procès verbal afin de rentrer plus tôt chez lui, geste qu'il refusera de réitérer par la suite.
Le film connaît un succès respectable dans le pays mais ne suscite pas l'engouement des autres récents "fleurons" historiques, Katyn du même Wajda et le pianiste de Polanski. Il reste boudé par une grande partie de la population qui n'hésite pas à le qualifier de mensonger et de film de propagande.
A 70 ans, Lech Walesa est, en Pologne, encore un personnage d'actualité et non pas une figure historique. Il est souvent victime de tentatives de récupération par les grands partis politiques et provoque de vives controverses quand il aborde l'homosexualité ou les questions internationales.
On peut se demander si un tel film n'intervient pas trop tôt, alors que l'encre des historiens n'est pas encore sèche et que le principal intéressé continue de faire parler de lui. Cependant Wajda a l'intelligence de se concentrer sur les années de lutte syndicale, l'état de guerre en 81, la remise du prix nobel en 83 et ne mentionne même pas la présidence.
On se rend alors compte, avec fascination et stupeur, que l'homme n'a pas évolué. Il n'est pas devenu un intellectuel comme tant d'autres, met un point d'honneur à se différencier de ces gens qui lisent des livres, discutent pendant des heures et ne décident rien. Il reste l'électricien des chantiers navals à la grande moustache, le catholique père de huit enfants, qui à un point t dans l'Histoire, avait le franc-parler, l'humour et le charisme nécessaire pour convaincre ses collègues ouvriers de faire grève. Il est resté fidèle à lui même, dit toujours ce qu'il pense, n'hésite pas à parler vulgairement.
C'est en acceptant ses faiblesses, ses limites et ses excès que l'on peut, de manière apaisée, rendre hommage à l'homme de l'espoir.
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