mercredi 4 décembre 2013

Le site de rencontres pour les Polonais catholiques

Il s'agit de przeznaczeni.pl littéralement, "destinés". Le site, qui revendique 360 000 utilisateurs, a ceci de particulier qu'il propose de décrire sur son profil "ses valeurs", en répondant aux questions suivantes:

Quelle est l'importance de la foi pour moi?


Quelle est mon orientation politique?


Quelle est mon attitude envers la contraception?


Quelle est la fr
équence de ma participation à la messe?

Mon attitude envers le divorce? 


Mon attitude envers les relations sexuelles avant le mariage?


Il convient également d'indiquer si on boit et si on fume beaucoup.


Le site pr
ésente ses succès: une galerie de photos de couples mariés (1289) et d'enfants...

De tels sites existent dans la plupart des pays européens. En France, iktoos.com et theotokos.com, mais avec un nombre bien plus réduit de participants! Article du Figaro de 2008

Mais je ne souhaite pas laisser l'impression d'une Pologne conservatrice et religieuse. Au contraire, elle bouillonne de d(ébats), de contrastes, entre la jeunesse qui s'amuse et le regard sévère des grand-parents, entre les libertés nouvelles et les devoirs.


vendredi 22 novembre 2013

"Kombinować" et "Załatwić": Quand les mots demeurent intraduisibles...

Certains mots, en quelques syllabes prononcées avec un sourire familier, permettent de décrire un pan entier de la culture d'un peuple. En polonais, c'est le cas des mots "kombinować" et "załatwić", dont le sens est à la fois, si précis et général, qu'ils demeurent intraduisibles dans une autre langue.

Kombinować 

On se sert du verbe kombinować quand il s'agit contourner un obstacle quelconque, de trouver une combine - mot parent comme tant de mots latins et francais passés dans la langue polonaise -. Ni vu, ni connu, kombinujemy (nous "combinons") en remplissant la feuille d'impôt, en réparant les canalisations d'une manière presque artistique, en obtenant une carte d'étudiant pour une année supplémentaire, en achetant le moins cher possible.
L'administration fiscale

Cherchez-vous un emploi? Hé bien faisons-nous confiance! Nous recrutons dans la famille et l'entourage. Nous enflons les CV, désormais si séduisants! Nous adaptons les contrats. Nous bouclons les comptes de l'entreprise de façon créative.

En anglais, une expression se rapproche de l'animal insaissable: to live by one's own wits! L'imagination, la débrouille au service de la vie quotidienne, ancrée dans les esprits, au risque de terrifier les voisins occidentaux, plus germaniques...

Mais ne vous méprenez pas, il n'y a rien de plus noble que de kombinować! Si votre parole est engagée, si vous avez promis à un ami quelque chose, alors tout se justifie afin de remplir vos engagements. 

Bref, kombinujemy!

Załatwić

Proche parent du signifiant précédent, załatwić peut se traduire par "régler le problème" ou "faciliter un processus" (l'adjectif łatwy signifie en effet "facile"). 

Załatwię to! est un engagement solennel à l'action, une parole donnée sans droit de retour.

Dans le contexte des parades pré-nuptiales, on peut également załatwić un rancart pour le compte d'autrui. Le verbe prend ici le sens de "l'arrangement" ou de "l'organisation" de la recontre.

Załatwmy go! "On va se le faire!" est cette fois, la promesse d'une joyeuse raclée destinéà un malheureux élu (ou le point de départ de l'organisation d'un très sobre assassinat!).

Bref, załatwmy!

Enfin, si vous utilisez les deux verbes à la suite, vous comprendrez l'essentiel de la mentalité polonaise:
Aby (Pour) załatwić, trzeba (il faut) skombinować!

mardi 12 novembre 2013

Redécouverte du modernisme de la PRL

L'actuelle Varsovie est profondément nostalgique du przedwojenna Warszawa ("Varsovie d'avant-guerre"). Expositions, photographies, projections de films, reconstitutions en 3D, musées, spectacles et restaurants mettent en scène un paradis perdu, au goût des années 20 et 30. Souvent, les nostalgiques s'efforcent d'oublier la période communiste, au point de ne jeter qu'un regard reducteur et méprisant sur quatres décennies de "PRL" (Polska Rzeczpospolita Ludowa, République Populaire de Pologne), pointant du doigt les blocs d'habitation à perte de vue et la domination du gris.

Heureusement, l'on s'est récemment souvenu que Varsovie était une ville bouillonnante de créativité des années 50 aux années 70.  Les projets risqués et futuristes qui devaient combler les immenses espaces vides de l'après-guerre, sont devenus les repères familiers des Varsoviens. Après avoir surtout discuté de leur possible destruction pendant les 90's, l'on discute aujourd'hui rénovation et transformation.

La gare centrale, dworzec centralna, de 1975 a été conçue comme un forum antique sous-terrain, exemple parfait du modernisme en architecture qui privilégie le fonctionnel et l'épure. On y entre et en sort de tous les côtés, empruntant des dizaines de tunnels remplis de commerces. Le concept du projet d’Arseniusz Romanowicz et Piotr Szymaniak était en avance par rapport aux projets similaires en occident. La gare, longtemps délaissée au point de devenir glauque et étouffante, a récemment bénéficié d'une rénovation qui la remet en valeur. 


Halle principale de la gare centrale

La Rotunda est le lieu ou l'on se donne rendez-vous dans le centre. Elle a été inaugurée en 1966. Abritant une banque nationale, drapée de réclames publicitaires, elle fait grise mine aujourd'hui. Cependant, elle est le sujet d'un concours d'architecture et sera prochainement complètement transformée. Vous pouvez suivre la sélection des projets et les résultats sur rotunda2013.pl
Rotunda


Parfois, sans subventions publiques et grâce à des initiatives privées, des lieux abandonnés peuvent devenir emblématiques, tel que Powiśle. Un ancien guichet de gare, ressemblant à une socoupe volante, situé sous le pont Poniatowski, a été reconverti en bar. Le lieu est envahi par des foules de plus en plus denses chaque été.
guichet de la station PKP Powiśle

Pourquoi ce regain d'intérêt pour l'architecture moderniste des années 60 et 70? Il s'agit sans doute pour la jeune génération d'après 89 de se réapproprier un passé qu'ils n'ont pas connu et qui devient de plus en plus abstrait, malgré les histoires contées par leurs parents. Il s'agit aussi de "faire avec ce qu'on a", d'accepter l'histoire d'une ville détruite et sa reconstruction. 

Le charbon en Pologne

De façon inattendue, la conférence de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques COP19 se déroule en ce moment à Varsovie. L'événement devait avoir lieu en Europe centrale et aucun Etat n'était vraiment chaud pour l'accueillir. Sans grand enthousiasme, presque par défaut, le gouvernement polonais et la ville de Varsovie ont endossé cette responsabilité.
En effet, la Pologne est désormais le pays le plus réticent de l'UE à réduire ses émissions de CO2. D'énormes efforts ont été entrepris depuis les années 90: Avec la transition vers une économie de marché, de nombreuses anciennes industries ont été démantelées ou modernisées, améliorant considérablement le bilan carbone du pays (réduction des émissions de 32% depuis 1988). Néanmoins, la Pologne semble être arrivée au bout de ses possibilités sans remettre en cause sa principale source d'énergie: le charbon.

95% de la production d’électricité du pays est fournie par des centrales au charbon. La mine de Bełchatów, situ
ée a 150 km de Varsovie, est une mine à ciel ouvert dont la production annuelle de charbon est d'environ 50 millions de tonnes. Elle serait la plus importante mine de charbon de l'Union européenne avec des réserves estimées à 1,930 million de tonnes.
Mine et centrale de Bełchatów

De même, la centrale thermique de Bełchatów que l'on aperçoit sur la ligne d'horizon, est la plus puissante d'Europe avec une capacité de 5 053 MW. Elle fournit à elle seule 20% de la production électrique du pays. 

Le secteur emploie encore plus de 250 000 personnes, quasiment toutes syndiquées et fait vivre des régions entières comme la Voïvodie de Katowice, en Haute-Silésie, l'un des vieux centres industriels du pays. Pour une plongée dans une famille de mineurs, je vous conseille ces entretiens qui datent de 1998.

Il existe en Pologne des ONG "anti-charbon" qui profitent de la conférence pour faire entendre leur voix et la majorité de la population est sensible aux questions climatiques et à la préservation de l'environnement. Cependant les Polonais s'inquiètent en priorité de la possible montée des prix en cas de sortie du charbon. En effet, le coût de l'électricité en Pologne reste très bas par à rapport à ses voisins occidentaux...

mardi 5 novembre 2013

Berlin et Varsovie ne se parlent pas (assez)

Les deux capitales ne se parlent pas (assez). 

Est-ce une question de géographie? 577 kilomètres d'autoroute neuve les séparent. 

Serait-ce une question de langue? Si Varsovie apprend tous les jours l'anglais (les cours de "business english" fleurissent, même sur les écrans d'information du métro), elle reste une capitale essentiellement nationale. Sans le polonais, vous passerez à côté de nombreux films, pièces de théâtres et expositions. Berlin, au contraire, parle toute les langues, désormais capitale du monde des désœuvrés, des artistes et des créatifs de tout poil. La capitale n'est pas le centre économique et culturel de l'Allemagne. Plutôt une île étrange, où se croisent ceux qui se cherchent. 

Peut-être est-ce une question d'évasion? Les Berlinois autant que les Varsoviens rêvent de plages ensoleillées, de cigales, de couleurs chaudes et sautent à la première occasion dans un low-cost afin de descendre en dessous de la latitude 50° N. Pourquoi perdre son temps chez le voisin si on y trouve les mêmes blocs et le même ciel?

Serait-ce une question de style?
Hipster de varsovie

Hipsters de Berlin

Serait-ce le poids l'histoire?
Destruction de varsovie

Malgré tous ces obstacles, de nombreuses passerelles existent et se développent. 

En premier lieu le train Berlin-Warszawa Express, figure de proue de ce blog et qui vous berce pendant cinq heures et vingt-cinq minutes jusqu'à destination. Il s'agit du train le plus rapide de Pologne qui atteint des pointes à 160 km/h!

Il y a quelques notables initiatives culturelles: des co-productions varsovo-berlinoises. Les pièces du théâtre TR Warszawa (souvent sous-titrées en anglais) sont co-produites avec le soutien de la  Volksbuehne de Berlin. Notamment les pièces de Dorota Maslowska et celles de Renee Pollesch; Le film le pianiste de Polanski a été tourné dans les légendaires studios de Babelsberg à Berlin et dans les rues d'avant-guerre du quartier Praga de Varsovie.

S'activent également la Fundacja Współpracy Polsko-Niemieckiej (fondation de coopération polono-allemande), la chambre de commerce AHK. A noter que toutes les grandes fondations politiques allemandes, la Friedrich Ebert Stiftung, Konrad Adenauer, Heinrich Boell, etc (affiliées à leur parti respectif: SPD, CDU-CSU, Gruene), ont leur bureau et des projets variéà Varsovie. 

En sens inverse, l'Académie Polonaise des Sciences a ouvert un centre de recherche historique (entièrement financé par les Polonais!) à Berlin! Dommage que les employés soient tous polonais...http://www.cbh.pan.pl/

Enfin, les deux capitales s'affirment comme des centres internationaux de l'électro, avec une multitude de clubs et cafés "alternatifs" (je sais que ce mot vous fatigue). Berlin plus que Varsovie bien sûr! Les dj berlinois passent de plus en plus souvent en Pologne... Avec des soirées dont le nom suffit à vous convaincre: Berlin-Warszawa 3.0 au 1500m2 club, Warsaw Calling, etc.
Il reste encore beaucoup à faire pour rapprocher ces deux villes. La langue reste le principal obstacle, avec très peu d'étudiants allemands qui apprennent le polonais dans les universités berlinoises (à chaque fois, nous n'étions que six ou sept valeureux guerriers), alors qu'il faut se précipiter au début du semestre pour trouver une place dans un cours de russe. Des initiatives plus visibles auprès des jeunes sur le modèle de la coopération franco-allemande sont plus que jamais nécessaires.

dimanche 3 novembre 2013

Walesa, l'homme de la discorde?

La sortie du film Walesa, l'homme de l'espoir (Walesa, czlowiek z nadziei, 2013) est l'occasion de nouveaux débats sur la place et la signification qu'occupe l'électricien des chantiers navals de Gdansk dans l'histoire de la Pologne. Après l'homme de marbre (czlowiek z marmuru 1977) et l'homme de fer (czlowiek z zelaza, 1981), le réalisateur Andrzej Wajda clôt une trilogie sur les dérives du régime communiste et la rampante contestation qui conduira à la chute du mur de Berlin.
Lech Walesa est aujourd'hui sans doute le syndicaliste le plus connu de l'histoire contemporaine, une figure internationale de la lutte contre l'oppression et pour les droits de l'Homme, lauréat du prix Nobel de la paix en 1983. 

Cependant, tout le monde ne partage pas la même admiration dans son propre pays. Pour les Polonais, son passage à la présidence de la République évoque une période de chaos généralisé, la grande transition vers une économie de marché avec beaucoup de laissés pour compte et des batailles politiques incessantes (lors des premières élections, une multitude de partis avec plus de 6 000 candidats aux deux Chambres!). De plus, nombreux sont ceux qui le soupçonnent d'avoir activement collaboré avec les services secrets. Ce sujet est abordé par l'une des premières scènes, lorsque Walesa accepte de signer un procès verbal afin de rentrer plus tôt chez lui, geste qu'il refusera de réitérer par la suite.

Le film connaît un succès respectable dans le pays mais ne suscite pas l'engouement des autres récents "fleurons" historiques, Katyn du même Wajda et le pianiste de Polanski. Il reste boudé par une grande partie de la population qui n'hésite pas à le qualifier de mensonger et de film de propagande. 

A 70 ans, Lech Walesa est, en Pologne, encore un personnage d'actualité et non pas une figure historique. Il est souvent victime de tentatives de récupération par les grands partis politiques et provoque de vives controverses quand il aborde l'homosexualité ou les questions internationales.

On peut se demander si un tel film n'intervient pas trop tôt, alors que l'encre des historiens n'est pas encore sèche et que le principal intéressé continue de faire parler de lui. Cependant Wajda a l'intelligence de se concentrer sur les années de lutte syndicale, l'état de guerre en 81, la remise du prix nobel en 83 et ne mentionne même pas la présidence. 

On se rend alors compte, avec fascination et stupeur, que l'homme n'a pas évolué. Il n'est pas devenu un intellectuel comme tant d'autres, met un point d'honneur à se différencier de ces gens qui lisent des livres, discutent pendant des heures et ne décident rien. Il reste l'électricien des chantiers navals à la grande moustache, le catholique père de huit enfants, qui à un point t dans l'Histoire, avait le franc-parler, l'humour et le charisme nécessaire pour convaincre ses collègues ouvriers de faire grève. Il est resté fidèle à lui même, dit toujours ce qu'il pense, n'hésite pas à parler vulgairement.

C'est en acceptant ses faiblesses, ses limites et ses excès que l'on peut, de manière apaisée, rendre hommage à l'homme de l'espoir.